Violence : le vrai faux péril jeune
France > délinquance, statistique
Article posté par Stéphane Bourgoin le Jeudi 10 mars 2005
L’ultraviolence n’est plus seulement un fantasme. Mais un chiffre calculé par l’Observatoire national de la Délinquance (OND), un collège d’experts chargés, à l’ombre du ministère de l’Intérieur, de faire la lumière sur les statistiques des crimes et délits en France. Un chiffre qui, évidemment, fait peur. Selon le rapport de l’OND rendu public la semaine dernière, le nombre de mineurs entendus par les services de police pour des faits de violence physique a augmenté de 55% en huit ans.
Des hordes d’émules d’«Orange mécanique» en culottes courtes déferleraient-elles sur la France, alimentant le climat d’insécurité élevé que ressentent ses habitants? Voire. «Attention à la signification fantasmatique du chiffre», prévient Alain Bauer, consultant privé en matière de sécurité et président du conseil d’orientation de l’OND. Car si le nombre de jeunes agresseurs défilant dans les commissariats de France et de Navarre a effectivement atteint, en valeur absolue, un niveau record (37 042 mis en cause en 2003, soit 13 000 de plus qu’en 1996), la part des mineurs impliqués dans toutes les violences recensées en France (adultes et ados confondus) reste assez stable. Il y a huit ans, 18,4% des agresseurs recensés étaient des mineurs. Ils sont aujourd’hui 19%.
Que faut-il en déduire? En fait, les jeunes délinquants suivent simplement l’exemple de leurs aînés, qui eux-mêmes sont de plus en plus violents. Mais les petits ne devancent pas les grands. Au contraire, ces dernières années, les jeunes voyous auraient même tendance à… s’assagir. Les mineurs sont ainsi moins violents qu’en 2000, annus horribilis pour la violence des jeunes: 22% des personnes mises en cause pour «atteinte à l’intégrité physique» avaient à l’époque moins de 18 ans. La part des mineurs impliqués dans la violence baisse depuis cette date. Par rapport à leurs aînés majeurs, ils sont de moins en moins mis en cause dans les affaires de coups et blessures, par exemple. Dans cette catégorie de délinquance leur part est tombée de 16,6% à 15,3%. Ils sont aussi moins impliqués dans les affaires de racket (21,3% en 2000 contre 15,4% trois ans plus tard). Même le mythe des bandes d’ados, armés jusqu’aux dents et défouraillant dans tous les sens, ne résiste pas non plus à l’analyse des chiffres. En 1996, 13,8% des délinquants impliqués dans des vols violents avec armes à feu avaient moins de 18 ans contre 11,1% en 2003, soit 316 personnes en tout et pour tout.
Même si la violence caractérise de plus en plus la délinquance au quotidien, les ados ont donc moins tendance à frapper, à menacer ou à dégainer que leurs aînés. Seul vrai point noir dans la délinquance des mineurs: la hausse préoccupante des violences sexuelles. En 1996, quelque 947 ados avaient été mis en cause pour viol. Six ans plus tard, ils étaient 1 469, soit une augmentation de 55,1%! Pour la seule catégorie des agressions sexuelles sur d’autres mineurs, la hausse atteint même 117%. Ce type de violence augmente même plus vite chez les ados que chez les adultes. Il y a huit ans, les mineurs représentaient 17,3% des agresseurs sexuels contre 23,8% aujourd’hui. Preuve d’une jeunesse française perverse et détraquée? L’explication est sans doute plus complexe. Les mineurs ne violent pas forcément plus qu’avant, en revanche, leurs victimes sont sans doute plus enclines à les dénoncer. C’est l’hypothèse que forme notamment l’universitaire Frédéric Ocqueteau, membre du conseil d’orientation de l’OND: «La pression citoyenne y a sa part. Les victimes apprennent à ne plus avoir peur ni honte et elles sont évidemment les seules à pouvoir identifier les auteurs.» Dans ce cas, l’explosion du chiffre de la délinquance sexuelle chez les mineurs ferait presque figure de bonne nouvelle… "
Un article d'Olivier Toscer.
Source : LE NOUVEL OBSERVATEUR (10 mars 200
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